lundi 6 janvier 2014

Recréer un dos par la technique des cartons fendus

Dans mon article du 31 Juillet 2013 "Chronique d'une restauration de base", je présentais la technique la plus classique pour recréer un dos, raccrocher les plats, pour des ouvrages à couverture toilée. La clé consistait à soulever la percaline le long des bords intérieur des plats et y glisser une nouvelle toile qui venait recouvrir le dos.

La méthode convient mal pour des ouvrages à couverture papier. En effet, soulever le papier est extrêmement délicat et conduit à un résultat assez médiocre. Dans ce cas, on utilise plutôt la technique des cartons fendus.
Les photos 1, 2, 3 montrent un ouvrage présentant ce type de difficulté.


On observe que le dos est presque complètement détaché (photo 1), ce qui a entraîné sans effort la séparation complète du 1er plat (photo 3). Le 2ème plat (photo 2) pose des problèmes supplémentaires (tâches, coin rongé) qui seront simplement évoqués car ne relevant pas de notre sujet.

Le corps de l'ouvrage n'a nécessité qu'un nettoyage. Le dos a d'abord été traité classiquement avec pose d'une mousseline, pose de Krafts et comètes, création d'un soufflet. Cette séquence classique de la reliure, largement détaillée dans mon article du 31 Juillet ne sera pas reprise ici.

Le problème de la couvrure se présente alors sous les aspects suivants:
     - habiller le dos d'une toile venant raccrocher les plats
     - recréer la continuité des gardes couleurs
     - restaurer au mieux le titre du livre au dos

Comme d'usage, on commence par couper une bande de toile de couleur appropriée (ici une toile  écrue), de hauteur H+4cm (H hauteur des cartons), de largeur l+3cm (l largeur du dos).


Ensuite, les cartons sont fendus dans l'épaisseur sur environ 10 mm de profondeur, comme le montre la photo 4. Cette opération est la clé de l'ouvrage, et doit être réalisée avec soin. Comme outil, on peut utiliser une baguette de bois taillée en forme de lame. Dans le cas présent, j'ai utilisé une "pointe" de reliure assez émoussée. Il est important que l'outil ne soit pas coupant en tête, ce qui exclut le scalpel ou une pointe trop bien affutée. Le carton doit s'écarter devant l'outil au fur et à mesure de son avancement, en profitant de sa structure en feuilles, sans être blessé par l'outil.

A un peu de colle plastique on a mélangé un peu de colle de pâte, de façon à en ralentir la prise. La photo 5 montre l'insertion à reflux de cette colle dans la fente du carton. Les débordements sont essuyés au fur et à mesure.

La photo 6 montre l'insertion de la toile dans la fente. On veillera à ce que la toile ne soit pas repliée à l'intérieur de la fente, et qu'elle retombe sans pli à l'extérieur. On serre ensuite cet ensemble quelques minutes dans un étau, en prenant soin d"essuyer les reflux de colle.


Les étapes suivantes sont évoquées par les photos 7 à 9.
Photo 7: on encolle la carton du soufflet sur lequel on rabat la bande de toile. On mesure soigneusement la largeur de la toile à conserver, que l'on recoupe ainsi.
Le raccrochage du second plat s'effectue de la même manière que pour le premier, et n'a pas été représenté en photos. On retrouvera le fendage du carton, encollage de la fente, insertion de la bande de toile dans la fente, puis serrage dans l'étau.
Les photos 8 et 9 illustrent deux difficultés hors du sujet de cet article. Photo 8: restaurer un coin "rongé" (cf. article du 8 Mai 2013). La photo 9 illustre la résolution d'un problème inattendu comme l'on en rencontre souvent en restauration. En se reportant à la photo 2, on observe des tâches de type inconnu que ni la gomme ni l'éponge ne résolvent de manière satisfaisante. Alors, on essaie...un peu tout ! ici c'est un ponçage profond qui a permis d'obtenir un résultat acceptable.


Les photos 10 à 12 montrent l'ouvrage fini. Le dos toilé est "rhabillé" d'un papier de la couleur la plus approchante. Le titre, décroûté de son ancien carton" puis recoupé à minima, est collé sur le dos. La photo 12 montre que la continuité des gardes collées a été rétablie.

En fin de cet article, il y a lieu de préciser les cas de contre-indication de la méthode. La méthode est inappropriée, (ou si l'on préfère présente des difficultés particulières) dans les 2 cas suivants:
      - les cartons n'ont pas une structure en feuilles. Ce peut être le cas de cartonnages modernes en particulier.
      - Les plats sont détachés du corps au départ. En effet, il est clair que par cette technique, une demi épaisseur du carton risque de rester visible, extérieure à l'habillage. On pourra y pallier de manière à peu près satisfaisante en prolongeant un peu le papier qui recouvre le dos.