lundi 21 avril 2014

Une inititation au papier marbré

Il est dit que je serais beaucoup initié ces temps-ci.
Je voudrais relater ici ma première prise de contact avec la pratique du papier marbré, prise de contact que j'ai effectuée à Savigny-sur-Orge dans l'atelier de Mme Forget, ancienne restauratrice de livres à la bibliothèque Mazarine à Paris. On trouvera à la fin de cet article les coordonnées de cette personne.

Les deux photographies ci-dessous montrent les résultats que j'ai obtenus à l'issue de cette courte formation (1/2 journée).



Ce n'est qu'une initiation, et il est clair qu'en une matinée on ne peut appréhender que les principes du procédé. Par contre les réalisations personnelles de l'enseignante qu'elle a bien voulu nous montrer témoignent qu'avec la pratique on peut faire de très belles choses en la matière.On en revient à la sempiternelle maxime: "c'est en forgeant qu'on devient forgeron", que je corrigerai en "ce n'est qu'en forgeant (longtemps) que l'on devient forgeron".

La cuve
L'instrument de base est une cuve rectangulaire de dimensions légèrement supérieure à celle de la feuille de papier à marbrer. Sur la base de feuilles 50x65 cm, il faudra donc une cuve d'au moins 55x70, d'environ 5 cm de profondeur au minimum.
On peut réaliser simplement ce bac avec des planches de bois; on assurera alors l'étanchéité en tapissant l'intérieur d'une feuille de plastique souple agrafée sur les côtés.
Une journée avant le travail, on aura préparé une quantité d'eau suffisante pour remplir la cuve (env. 4 litres dans le cas présent), additionnée d'un produit épaississant soigneusement mélangé à l'eau. Pour ce dernier, on prendra par exemple "Bain marbling bath" de chez Pébéo (disponible chez Créa), à raison de 3 cuillères à café par litre d'eau. Après avoir homogénéisé le mélange de façon à n'avoir pas de grumeaux, on laissera épaissir le bain une nuit.

Les colorants
Il est possible de choisir différents colorants, qui correspondent à des techniques différentes. Dans le cas présent, nous avons travaillé directement avec des peintures à l'huile, que l'on "allège" en les mélangeant avec du white-spirit. D'autres praticiens utilisent des encres typographiques, ou d'autres types de peinture traitées à la gomme arabique.
Chaque couleur est ainsi préparée dans un petit pot individuel, type pot de yaourt.
Par exemple, prenant deux pâtons de peinture de la longueur d'un ongle, on les mélange à une cuillère à café de white-spirit (personnellement, je dirais plutôt 1/2 à 3/4 de cuillère), à l'aide d'une petite spatule (par ex. u bâton d'esquimeau). Le mélange doit avoir conservé une certaine épaisseur. S'il est trop liquide, on rajoutera de la peinture.

Le papier
Nous avons travaillé avec des feuilles de papier vergé 50x65 cm. C'est le côté lisse du papier qui sera appliqué sur le bain.

Mise en place de la couleur sur le bain
Avec un petit pinceau, on prélève une couleur puis on frappe sèchement le pinceau contre une baguette de bois, de façon à disperser des gouttes de couleur sur le bain. Si les gouttes s'étalent sur l'eau (et finissent quasiment par disparaître), c'est que la couleur est trop diluée (rajouter de la peinture). Si les gouttes restent sous forme de "pâtés" épais, c'est que la couleur est trop épaisse (rajouter du white-spirit).
On dispose ainsi des couleurs à volonté, sous la forme d'un grand nombre de gouttes.

La création de motifs
On crée ensuite des motifs contrôlés à l'aide d'instruments variés, que l'on peut fabriquer soi-même. Avec une simple baguette, on "éclate" les gouttes et on les déplace sur le bain. Avec une espèce de "peigne" (un simple tasseau garni de clous), on peut réaliser des effets de crénelage, etc... En la matière, on n'est limité que par son goût artistique.
Les photos en-tête de l'article résultent d'un premier essai sans création de motif, puis d'un essai avec création de "tourbillons" à l'aide d'une baguette.

Le transfert sur le papier
Le dessin ainsi obtenu sur la surface de l'eau peut maintenant être transféré sur le papier de la manière suivante. On présente le papier à partir d'une extrémité de la cuve puis on le déroule sur la surface sans temps-morts, et en veillant à ne pas laisser de poches d'air. Ensuite on retire la feuille de papier en la glissant le long d'un bord de la cuve.

Le séchage de l’œuvre
La feuille est ensuite positionnée sur une planche verticale mouillée, à laquelle elle adhère par capillarité. On la lave rapidement à grande eau avec une éponge. Puis on la dispose sur un support horozontal fait par exemple de barres de bois posées sur des tréteaux, dans un environnement favorisant le séchage (en extérieur s'il fait beau, ou sous un abri aéré).

Indications sur la formation
La formation se compose de séances d'une demi-journée, suivies chaque fois par un groupe de 3 à 4 personnes.
L'enseignante est très pédagogue, et se consacre entièrement à ses élèves durant le travail. En outre elle a pris soin de préparer la veille le mélange de l'eau et l'épaississant, de sorte que l'atelier est immédiatement disponible pour le travail des stagiaires. Tout le matériel et les produits utilisés, peintures comprises, sont fournies par l'atelier.
La formation se déroule à Savigny-sur-Orge, dans un pavillon tranquille. L'ambiance est sympathique et l'on repart avec son œuvre. Je ne peux que recommander ce stage, peu coûteux, et très accessible.
Pour participer, contacter michele.forget@free.fr

samedi 19 avril 2014

Une idée pour la reliure: le repoussage du cuir...

J'écris cette article au retour d'une journée d'initiation au repoussage du cuir.
Comme on pourra s'en douter, mon objectif n'est pas la réalisation de carquois, bottes de cow-boys ou quelqu'autre accessoire moyenâgeux, mais l'application possible de la technique au décor du livre.

Apparemment, la technique de repoussage du cuir pour l'habillage du livre s'est pratiquée dans des temps anciens, puis a été abandonnée au profit des techniques de la dorure. En particulier, le résultat pourrait se rapprocher de celui que donne la "dorure à froid" (qui, comme l'on sait, se pratique à chaud, mais sans application de la couche d'or), avec des reliefs cependant plus profonds.

J'ai effectué ce stage chez un artisan-formateur situé à Foëcy, dans le Cher (près de Vierzon), dont je donnerai les références en fin de l'article.

Pour concrétiser les choses, je présente 2 photos résultant de mon passage. Certes, on peut le voir, je n'ai pas mérité le prix du meilleur ouvrier de France. Pourtant ma conviction est qu'en insistant, on doit pouvoir faire de belles choses en la matière, y compris pour la décoration de livres; les réalisations du formateur en sont la preuve, j'y reviendrai.


Il est clair que le repoussage, ça se pratique, et qu'il faut du temps pour maîtriser la bête.

Pour résumer, l'initiation s'est faite en deux étapes: le matin, approche du travail de gravure: le dessin ci-dessus a été obtenu après 2 à 3 heures de formation; l'après-midi, initiation à la coloration, qui m'a donné le résultat ci-dessus (photo 2).

J'avais malheureusement oublié mon appareil photo, de sorte que je devrai décrire le processus sans les vraies illustrations. Pour au moins montrer les outils, j'ai emprunté quelques photographies au site "MBF cuirs association" .

Le cuir.
Il faut impérativement utiliser un cuir à tannage végétal, non coloré (naturel). Le cuir doit absorber l'eau instantanément, ce qui exclut les cuirs de maroquinerie (tannage au chrome). La peau doit avoir une certaine épaisseur, pour permettre l'incision de la fleur sans la couper. Il semble que l'on puisse descendre jusqu'à 1mm environ, donc plutôt du cuir de vache. En reliure, il faudra donc prévoir une réserve autorisant cette épaisseur.

Le support de travail.
On travaille sur une plaque de granit surfacée d'environ 30x40cm, qui peut être obtenue auprès de marbriers funéraires. La plaque est posée sur un établi pouvant supporter des frappes assez puissantes sans vibrer.

Le tracé du dessin.
Le dessin étant tracé sur un calque, on mouille le cuir puis on pose le calque sur la pièce. En suivant le tracé au stylet à pointe ronde, le dessin s'imprime "en mouillé" sur le cuir.

Entailler la peau.
On entaille le cuir le long des traits du dessin à l'aide d'un outil spécial, le swivel.

Il s'agit d'une espèce de cutter dont la lame acier ou céramique peut pivoter autour de l'axe du manche. L'outil présenté sur la photo 3 a une lame droite, mais on lui préfèrera une lame biseautée. La lame céramique est pratiquement inusable et n'a pas besoin de ré-affutage.
Le swivel est tiré le long des traits du dessin en le tenant verticalement, l'index dans la crosse de l'outil, de façon à inciser la peau par la pointe de la lame. Les courbes sont obtenues en faisant tourner le swivel sur lui-même avec l'annulaire. On prendra soin de remouiller périodiquement le cuir.


Enfoncer le cuir.
Le dessin est vraiment matérialisé lorsqu'on enfonce le cuir sur un côté de l'incision. Ce sont les bandes claires que l'on voit sur les photos 1 et 2.


 Pour cela, on utilise des "matoirs", aussi dits "bevelers" (photo 4), sortes de petits marteaux à section oblique que l'on frappe verticalement avec un maillet de bois ferme (photo 5), ou de nylon.


                                                           
On avance en suivant un côté de l'incision, en recherchant une frappe suffisamment continue pour éviter le crénelage. Pour les angles on fera tourner le matoir autour de l'angle sans l’écrêter.

Décorer la surface.
On peut à volonté décorer la surface à l'aide à l'aide de nombreux matoirs disponibles dans le commerce.

Ainsi est obtenu l'effet "sablé" que l'on peut voir autour de la volute sur les photos 1 et 2.
Il existe quantité de matoirs pour réaliser des frises, des effets de surface particuliers, des sujets entier (fleurs de lys, par exemple) (photo 6).





Colorer le cuir.
Il existe des colorants à l'eau et des colorants à alcool. Ces derniers sont d'un usage délicat eu égard à leur toxicité.
Pour réaliser la coloration dorée nuancée des photos 1 et 2, on a utilisé 4 teintes de brun de force progressive. Chaque teinte étant disposée dans son pot, on prévoit pour chacune une petite éponge (genre éponge de carrossier) et un chiffon, les éponges et chiffons ne devant pas être mélangés au cours du processus.
La première teinte (quasiment jaune) est passée uniformément à l'éponge y compris dans les creux.
Les teintes suivantes, de la plus claire à la plus sombre, sont disposées à l'éponge sur les zones que l'on veut les plus sombres et tirées rapidement au chiffon vers les zones plus claires de façon à obtenir un dégradé de couleur. Ainsi la zone d'application se réduit de plus en plus au fur et à mesure que l'on "monte" la couleur. Lorsqu'on tire le chiffon, on ne fait que "survoler" les reliefs, en évitant de lustrer le cuir, sans quoi la couche suivante de teinture aura du mal à pénétrer.
On peut en fin de travail améliorer l'uniformité en repassant une couche de jaune.

Lustrer le cuir.
On termine le travail de surface en lustrant fortement le cuir avec un chiffon type "collant de dame".

Les bords
On traite les bords en leur appliquant la couleur (2ème niveau de teinte) à l'aide d''un tampon de laine monté en écouvillon. Puis on lisse le bord posé à plat en le frottant avec un chiffon nourri de cire d'abeille.

Références de la formation.
Le formateur se nomme Eric Deneken. Son atelier est situé à Foëcy à 12 km de Vierzon.
Tel:  06.88.13.09.29
La formation est proposée (Tarif Avril 2014) pour 100E la journée plus éventuellement prix du cuir dans le cas de grandes réalisations (0 Euros dans mon cas).
Je précise que le formateur s'est tenu à mon entière disposition pour toute la journée de formation; avec une grande gentillesse en plus, ce qui ne gâte rien.
On trouvera sur son site www.cuir-formation.fr toutes les informations utiles sur ces stages.
Pour terminer, voici, extraites de son site esprit-cuir.fr, quelques photos de  ses propres réalisations qu'il qualifie de "grimoires". Il faut reconnaître qu'il ne suffirait pas de grand chose pour que ces couvre-livres soient... de vraies couvrures de livres, et d'un très bon niveau !!